CA ANGERS 15 décembre 2011 : déboute un entraîneur driver, victime d’un dommage en course, à l’encontre du fabricant de la lice installée sur le champ de course
Publié le :
06/04/2012
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2012
Un entraîneur driver victime de dommages en courses, débouté de sa demande en responsabilité à l’encontre du fabricant de la lice installée sur le champ de course.
Commentaire de l’arrêt rendu le 15 décembre 2011 par la Cour d’appel d’ANGERS
Cet arrêt est un exemple supplémentaire des difficultés rencontrées par la victime d’un accident en course pour obtenir réparation des dommages subis à l’occasion d’une compétition. Si le contentieux des accidents sportif est fourni, son succès n’est pas assuré et le résultat reste souvent aléatoire pour la victime, comme en témoigne ce récent arrêt que l’on pourra rapprocher d’un arrêt précédent rendu par la Cour d’appel de PARIS le 28 mars 2011, lequel avait également débouté un entraîneur driver victime d’un accident en course. (Cf. Bull. IDE n°62)
En l’espèce l’entraîneur driver du cheval, lors d’une course de trot attelé, avait là encore déposée une plainte pénale contre X, du chef de blessures involontaires par personne morale, laquelle avait abouti à une ordonnance de non lieu. Devant la juridiction civile, la victime a assigné, non pas la société des courses organisant la réunion, comme elle le fait habituellement, mais le fabricant. La société était spécialisée dans la fabrication des lices de champs de courses et avait posé en 2004 et 2005, juste avant l’accident, une nouvelle lice en PVC, et ce pour respecter les recommandations des fédérations de courses au galop et du Comité régional du trot les obligeant à remplacer les lices en bois, ou en métal, par de nouvelles lices en PVC, jugées moins dangereuse. (Cf. Arrêt CA de RENNES du 11 février 2009 Bull. juridique n°56 Décembre 2009) L’entraîneur driver a assigné le fabricant sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, (article 1386-1 du Code civil) au motif que la lice ne présentait pas les conditions de sécurité à laquelle on pouvait s’attendre dès lors qu’elle était intrinsèquement dangereuse pour les courses de trot, les roues du sulky pouvant se bloquer en dessous de la lice, et entraîner l’accident, ce qui s’était effectivement produit.
En première instance, le Tribunal avait retenu la responsabilité du fabricant de la lice, sur le fondement de cette responsabilité de plein droit du fait des produits défectueux, et avait condamné la société des courses (mise en cause par le fabricant) à garantir celle-ci à hauteur de 20% des condamnations prononcées. La Cour d’appel, pour apprécier la responsabilité des différents intervenants, a cherché l’existence de normes légales ou règlementaires relatives aux lices d’hippodromes. En leur absence, elle s’en est référée aux recommandations émises par les Comités régionaux et les Fédérations de courses. La Fédération régionale des courses d’Anjou centre Ouest avait rappelé la nécessité de mettre en place une lice sur les pistes de galop. Pour les courses de trot, la Fédération avait précisé que les lices pour délimiter dans les virages le coté intérieur de la piste, devaient avoir une hauteur de 80 cm pour éviter que les roues ne se coincent en dessous.
La Cour rappelle qu’en l’espèce, la Société des courses organisait dans les mêmes rencontres, des courses de galopeurs et de trotteurs, ce qui entraînait pour la Société des Courses la nécessité d’aménager une piste mixte, contradictoire au niveau des lices pour la sécurité des chevaux et des jockeys.
La Cour déduit de l’ensemble de ces recommandations émises par les Fédérations et Comité en présence, que dès l’année 1998, la possibilité de blocage des roues de sulky en dessous de la lice était connue et la nécessité d’adjoindre des éléments de neutralisation de cette dernière pour les courses de trot était préconisée. Toutefois elle considère que la lice qui était bien en PVC conformément aux dernières recommandations, n’était pas intrinsèquement dangereuse pour les galopeurs, qu’elle a d’ailleurs en l’espèce été homologuée et subventionnée par France GALOP.
La Société des courses qui ne possède qu’une piste comme la majorité des hippodromes de province, peut accueillir également des trotteurs dès lors que la lice est neutralisée à la corde par des piquets souples qui tout en assurant la balisage du terrain, empêchait les trotteurs de se rapprocher des montants de la lice. La Cour ajoute que cette pratique étant courante, qu’elle était nécessairement connue d’un organisateur professionnel tel que la Société de Course en cause, et qu’il appartenait à cette dernière de mettre en place ces piquets et non au fournisseur de la lice, cette mise en place étant ponctuelle, ne pouvant être maintenue lors des courses de galop.
En première instance, pour condamner le fabricant de la lice, le Tribunal avait également retenu que depuis février 2003, le fabricant proposait une lice standard pour piste mixte et qu’elle aurait dû proposer la mise en place de celle-ci à l’hippodrome en cause. La Cour considère à l’inverse qu’il est établi que cette lice mixte qu’elle fabriquait depuis 2003 était encore en 2004 au moment de la signature des devis, un simple prototype et qu’à l’époque des faits un autre système était conseillé par les Fédérations des courses.
Il ressort de cette argumentation que, la Cour d’appel cherche une base légale, dans les recommandations et/ou avis émis par les sociétés de courses, notamment lorsqu’il n’y a pas eu d’expertise ordonnée. L’appréciation de la responsabilité d’un intervenant suppose de connaître les normes techniques préconisées par les instances chargés de la sécurité sur les hippodromes.
On peut toutefois émettre des réserves sur l’argumentation de la Cour en ce qu’elle considère que le fabricant de la lice n’avait pas de devoir de conseil à l’égard de la société de courses, concernant la nécessité d’aménager la lice. En effet les sociétés de courses sont le plus souvent présidées et animées par des bénévoles, dont la fréquence des réunions sont souvent faibles, comme c’est le cas pour la société de couses en cause qui organise en tout et pour tout, deux réunions de courses par an, et qui ne sont malheureusement pas toujours au fait des normes de sécurité. En l’espèce, celle-ci qui n’avait pas été mise en cause directement par la victime, mais seulement appelé en garantie par le fabricant, échappe à toute condamnation.
Si l’évolution récente est plutôt favorable à la victime, ainsi qu’en témoigne le récent abandon par la Cour de Cassation de la théorie de l’acceptation des risques (Cf. sur ce point, la loi du 13 mars 2012, en réaction à l’abandon de la Théorie de l’acceptation des risques modifiant le Code de sport, pour les dommages entre concurrents autres que corporels) le parcours reste semé d’embuches pour la victime qui assigne les organisateurs et/ou fabricants. Devant tant d’incertitude, alors que les conséquences sont dramatiques au regard de l’ampleur des préjudices à la fois corporel, moral et économique, les sportifs professionnels, doivent prendre conscience des risques auxquels ils sont confrontés et disposer d’une assurance prévoyance individuelle, adaptée à leur situation.
Texte de la décision :
Cour d’appel Angers Chambre 1 B 15 Décembre 2011 Infirmation N° 10/01969
Société FORNELLS S.A.S LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE (M.S.A.)
Classement :** Contentieux Judiciaire Numéro JurisData : 2011-028766Résumé
L’installateur de la lice sur l’hippodrome ne peut voir sa responsabilité retenue en raison du caractère défectueux du produit qu’il a mis en place. Ainsi en va-t-il dès lors que lice en cause répondait aux recommandations émises à l’époque de son installation par la Fédération Nationale des Courses Françaises, laquelle n’a d’ailleurs pas estimé utile d’exiger de la société des courses le changement de la lice litigieuse même après l’accident dont a été victime un entraîneur de course de trot alors qu’il participait à une course, la roue droite de son sulky s’étant ac-crochée au poteau vertical, support de la lice se trouvant à la corde, démontrant ainsi son absence de caractère dangereux. L’installateur de la lice sur l’hippodrome ne peut voir sa responsabilité retenue pour ne pas avoir prévu la sécurité de sa lice pour les courses de trot. Ainsi en va-t-il dès lors que l’accident de l’entraîneur tient uniquement au fait que n’avaient pas été aménagés sur la piste de trot les éléments nécessaires à écarter les sulkys de la lice stan-dard, pratique connue de la société des courses. En effet, si l’installateur n’a pas proposé à la société des courses la mise en place d’une lice mixte au lieu de la lice standard installée, il apparaît, qu’au moment de l’installation, la lice mixte était un prototype qui a nécessité des mises au point et qu’elle n’a pas été consacrée comme une in-novation majeure puisque, 5 ans plus tard, elle n’était pas préconisée comme un élément incontournable des pistes mixtes, un autre système étant alors conseillé.
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