La garantie de conformité c’est aussi pour les chiens (suite). La Garantie de conformité s’applique aussi aux troubles du comportement du chien , comme en juge le Tribunal d’instance dans la décision commentée. Dans une précédente chronique, nous avons
Publié le :
17/04/2018
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La Garantie de conformité s’applique aussi aux troubles du comportement du chien , comme en juge le Tribunal d’instance dans la décision commentée.
Dans une précédente chronique, nous avons rappelé que depuis février 2015, l’acheteur peut désormais se prévaloir de la garantie de conformité du Code de la consommation (articles L 217-1 et suivants) qui s’applique aux ventes d’animaux domestiques (Article L 213-1 du Code rural et de la pêche maritime) tandis qu’auparavant l’acheteur disposait des seuls vices rédhibitoires du Code rural et les conditions d’application de cette garantie. (Cf. « La garantie de conformité, c’est aussi pour les chiens »). Dans une décision récente du 23 mars 2018 (RG n°11 17-000046), le Tribunal d’instance de Musset a eu l’occasion de prononcer la résolution de la vente d’un chien sur la base de la garantie précitée.
L’acheteur d’un chien de race doberman se plaignait de ce que rapidement après l’achat auprès d’un éleveur, le chien était devenu hyperactif. Il soutenait que le chien était atteint d’un syndrome HS-HA, qu’il avait tenté de le soigner sans succès. Il réclamait à son vendeur la résiliation de la vente avec restitution du prix versé et l’indemnisation de ses dommages. L’éleveuse contestait l’application de la garantie de conformité et subsidiairement l’absence de défaut du chien et son antériorité à la vente.
Le tribunal s’est donc interrogé sur la qualité des parties (I), les caractéristiques du défaut invoqué par l’acheteur (II) avant de déterminer le montant de l’indemnisation allouée à ce dernier. (III)
-I- L’éleveur de chiens est un vendeur professionnel
L’éleveuse cherchait, bien que cette requête soit peine perdue, à échapper à la qualification de « vendeur professionnel » visée par la garantie de conformité. Elle prétendait n’avoir qu’une seule femelle doberman, être inscrite comme vendeuse conformément à la règlementation mais ne vendre qu’une portée tous les deux ans. Cette argumentation ne pouvait être retenue au vu des textes actuels : pour lutter contre le trafic et les ventes d’animaux de compagnie par de faux particuliers, (la vente par des particuliers représentaient jusqu’à 80 % des ventes), l’Ordonnance n° 2015-1243 du 7 octobre 2015, applicable au 1er janvier 2016, réforme portée par la Fondation 30 millions d’amis, a fixé le seuil d’élevage avec obligation d’immatriculation et de délivrance d’un numéro Siren, au premier chien ou chat vendu par l’éleveur (contre deux portées par an antérieurement). C’est donc à juste titre que le tribunal a rappelé que le critère précédent sur le nombre de portées n’existe plus.
En outre, le tribunal relève que la vendeuse dispose d’un site Internet dans lequel elle expose son activité, qu’elle attire des acheteurs éloignés géographiquement de son élevage et qu’elle a vendu trois portées en trois ans. Le chien était d’ailleurs vendu à un prix (1.100 €) confirmant la recherche de profit. Il ne pouvait donc y avoir aucun doute sur la qualité de vendeuse professionnelle de l’éleveuse.
-II- Sur le défaut invoqué et son antériorité à la vente
Le défaut invoqué par l’acheteur visait le comportement du chien hyper actif, qui avait d’ailleurs causé des dégâts matériels dont il demandait réparation. Ce n’est pas la première fois qu’un trouble du comportement est invoqué au soutien d’une action en résolution de la vente. Une acheteuse avait notamment cherché à obtenir la résolution d’une vente au vu de l’agressivité d’un chien, mais n’avait pu se prévaloir de la garantie de conformité qui n’était pas applicable au litige, le vendeur n’étant pas à l’époque considéré comme professionnel. (Cf. Cour de cassation, 30 septembre 2010, n° 09-16.890, JurisData n° 2010-017153).
En l’espèce, la vendeuse soutenait que le chien était en bonne santé et qu’il s’agissait de sa seule obligation, le chien de compagnie n’étant pas forcément un animal calme. L’éleveuse tentait habilement de soutenir que le caractère d’un animal ne peut pas faire partie des défauts garantis par le vendeur. Elle contestait également la réalité du syndrome HS-HA au motif que seule une attestation d’un vétérinaire comportementaliste avait été produite, laquelle évoquait seulement les symptômes du syndrome sans poser de diagnostic.
S’il est acquis que le caractère d’un animal ne peut (sauf à ce que le vendeur se soit engagé à ce sujet) faire partie des défauts garantis par le vendeur, en l’espèce l’hyper activité est un véritable trouble du comportement, une maladie qui porte un nom, à telle enseigne que le chien avait été soigné sans succès notamment par du Prozac, ce qui venait contredire l’affirmation par la vendeuse de la bonne santé de l’animal. Si le caractère du chien est la conséquence d’un trouble identifié et répertorié sous le nom d’une maladie (syndrome HS-HA), ayant nécessité des soins vétérinaires, il s’agit bien d’un défaut de conformité et le Tribunal en déduit à juste titre que le chien est atteint d’un défaut qui compromet son usage d’animal de compagnie.
L’acheteur devait encore démontrer l’antériorité du défaut par rapport à la vente conclue. Rappelons que depuis le 15 octobre 2014, la présomption d’antériorité du défaut qui apparaît dans les six mois de la vente a été supprimée pour les ventes d’animaux domestiques. Sur ce point, l’éleveuses faisait valoir que cette hyper sensibilité/hyper activité était due à un défaut de socialisation du chien, qui se développe de la troisième à la douzième semaine, tandis que le chien avait été vendu au cours de la septième semaine. La vendeuse en déduisait que ce défaut était apparu sous la propriété de l’acheteur, qui en toute hypothèse ne démontrait pas son antériorité.
Toutefois selon le tribunal, l’éleveuse n’avait pas contesté les certificats vétérinaires produits par l’acheteur, lesquels indiquaient que le trouble pouvait être considéré comme antérieur à la vente. Faute pour le vendeur d’apporter des éléments contradictoires, le tribunal a considéré que les certificats de l’acheteur étaient suffisamment probants. En sens contraire, le Tribunal d’instance d’Évry, le 5 septembre 2016 (Cf. TI EVRY, 5 septembre 2016, RG n° 91-15-000177), à propos d’une vente d’un chien a considéré, malgré la présomption d’antériorité encore applicable, que le vendeur démontrait, certificats vétérinaires à l’appui, que le défaut du chien (fracture d’une patte) était postérieur à la vente.
Précisons qu’en application de l’article L 214-8 du Code rural, la vente d’un chien ne peut en principe pas intervenir avant la 8ème semaine, sous peine d’amende pour le vendeur (article R 215-5-1, alinéa 6, du Code rural) au vu des nombreux inconvénients notamment psychiques liés à un sevrage trop précoce du chiot.
-III- Sur le montant de l’indemnisation allouée par le tribunal
Au préalable, et le cas est suffisamment rare pour être souligné, l’acheteur a souhaité restituer le chien. Le Tribunal en est lui-même étonné et il l’exprime en ces termes : « M. X a fait ce choix » de demander la restitution « malgré la présence de ce chien depuis une longue période à son domicile ». Si la Cour de cassation a rappelé que le chien animal de compagnie n’est pas susceptible de remplacement (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 décembre 2015, n° 14-25910, JurisData n° 2015-027487 notre chronique « Le chien animal de compagnie n’est pas susceptible de remplacement au sens de l’article L 211-9 du Code de la consommation ») ce principe n’interdit pas à l’acheteur s’il le souhaite, de restituer l’animal au vendeur. Les textes du Code de la consommation permettent à l’acheteur de conserver l’animal et de se faire restituer toute ou partie du prix, ou bien comme en l’espèce de rendre l’animal à son vendeur en échange du prix. Cette demande de l’acheteur confirme d’ailleurs l’ampleur des difficultés rencontrées avec le chien.
Selon l’article L 217-11 du Code de la consommation, la résolution a lieu sans aucun frais pour l’acheteur, ce qui permet à ce dernier de réclamer des dommages et intérêts au vendeur professionnel présumé de manière irréfragable connaître le vice du bien vendu.
C’est pourquoi le Tribunal a mis également à la charge du vendeur, la somme de 377 € au titre de la prise en charge médicale du chien et 1.000 € de préjudice moral. Là encore, les tribunaux, s’agissant d’un animal de compagnie, octroient assez facilement une indemnité au propriétaire alors même que le chien n’est pas décédé. Les juges considèrent que la privation des joies usuelles que l’on entretient avec son chien permet aux propriétaires d’obtenir une indemnisation (Cf. Sur ce point : Précitée, Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 décembre 2015, n° 14-25910, JurisData n° 2015-027487) laquelle devrait plus précisément selon nous s’intituler préjudice d’agrément définit par la Cour de cassation comme « le préjudice subjectif de caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions d’existence » (Cf. Ass. Plén., 19 décembre 2003, Bull. 2003, Ass. Plén., n° 8, p. 21, pourvoi n° 02-14.783) et non un préjudice moral.
L’éleveuse s’est donc vue condamnée au remboursement du prix de la vente et au versement d’indemnités représentant plus du double du prix de vente, outre les frais de procédure.
Comme indiqué dans notre précédente chronique, les dommages et intérêts alloués à l’acheteur représentent pour les éleveurs des montants considérables. Ces derniers doivent désormais être conscients des risques liés à cette activité de vendeur professionnel applicable dès le premier chien ou chat vendu. L’objectif de l’Ordonnance n° 2015-1243 du 7 octobre 2015 qui était clairement de dissuader les particuliers de faire faire des portées à leur animal pour le loisir, est bien relayé par les Tribunaux qui appliquent à ces vendeurs la garantie de conformité lourde de conséquences économiques en présence d’un défaut de l’animal vendu.
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