Commentaire de l'arrêt de la Cour d’appel de CAEN du 13 octobre 2015
Publié le :
18/12/2015
18
décembre
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2015
Cet arrêt de la Cour d’appel de Caen mérite d’être commenté dès lors qu’il aborde à la fois le rôle de la carte d’immatriculation dans la preuve de la propriété du cheval, ainsi que les conditions de la responsabilité du maréchal ferrant. Les deux intimés se prétendant propriétaires indivis du cheval avaient obtenu un jugement du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES qui avait condamné un maréchal et son assureur, à les indemniser du préjudice subi à la suite de l’euthanasie de leur cheval lors d’une opération de ferrage. Devant la Cour d’appel, la propriété des intimés était contestée, au motif que le véritable propriétaire du cheval n’était pas dans la cause et d’autre part que, la carrière de course du cheval avait été louée à un entraîneur ayant seul vocation à percevoir les gains. Les intimés soutenaient que leur propriété était suffisamment établie par la carte de propriété sur laquelle ils apparaissaient tous les deux. La Cour d’appel de CAEN indique que la carte d’immatriculation constitue une présomption de propriété. Cette première affirmation mérite qu’on s’y arrête. Présomption ou simple indice de la propriété ? Présomption répond la Cour de cassation dans son arrêt du 23 octobre 1991 (n° de pourvoi 90-14826) Depuis toutefois les Cour d’appel ne sont pas toutes d’accord entre elles. La Cour d’appel de BOURGES dans son arrêt du 10/11/2011 (n° 11/00975) était quant à elle plutôt favorable à la qualification d’indice, en retenant qu’il s’agit d’un simple document administratif. De son côté la Cour d’appel de PARIS le 21 mars 2014 (Bull. IDE numéro 75 sept 2014.) a également retenu l’existence de véritable présomption et elle a débouté celui qui se prétendait propriétaire au motif qu’il ne figurait pas sur la carte de propriété et que les documents non signés qu’il communiquait ne permettaient pas d’établir sa propriété. En effet même qualifiée de présomption, la preuve contraire est possible, comme l’a retenu notamment le TGI de LISIEUX le 6 juin 2014, les mentions sur la carte d’immatriculation étant contredites par la preuve du paiement du prix et de certains frais. En l’espèce, la Cour d’appel considère qu’aucun élément ne vient contredire la présomption de propriété des intimés. Il y avait pourtant des éléments troublants telle que la déclaration du vétérinaire lors de l’euthanasie mais aussi des factures payées par un tiers. Toutefois ces éléments ne permettaient de contester que le pourcentage de propriété des intimés (50% au lieu de 100%) et non le principe. En revanche à supposer que la responsabilité du maréchal ait été retenue, les modes d’exploitation du cheval (sa location) auraient eu une incidence sur son préjudice puisque dans ce cas généralement, les propriétaires ne supportent pas les frais d’entretien mais n’ont qu’un pourcentage (généralement entre 10% et 20%) des gains. Pour conclure sur ce point, il importe de rappeler que pour les chevaux de courses (depuis 2010) comme pour les chevaux de sport (depuis 2014) désormais l’absence de concordance entre les mentions au SIRE et la société des courses ou la FFE entraîne une interdiction de courir pour le cheval, ce qui renforce encore le rôle de la carte de propriété. Si la Cour d’appel reconnait les droits des intimés, en revanche elle infirme le jugement qui leur avait donné gain de cause à l’encontre du maréchal ferrant et de sa compagnie d’assurance. Le Jugement du TGI de FOIX le 5 mars 2014 a eu l’occasion tout récemment de statuer sur les règles de responsabilité du maréchal ferrant. (Cf. Bulletin Juridequi n°74) La difficulté dans notre espèce était de déterminer sur quel régime de responsabilité agir. En effet la situation juridique du cheval était quelque peu complexe. Les propriétaires avaient confié le cheval en location à un entraîneur, Mr Pereira mais le cheval se trouvait en pension-travail chez un autre professionnel, aucun détail n’étant donné sur la personne à qui la prestation de ferrage avait été facturée. En toute hypothèse ces deux protagonistes n’étaient dans la cause. Les propriétaires considérant à juste titre n’avoir aucun lien de droit avec le maréchal ferrant avait recherché les règles de la responsabilité délictuelle. Ils avaient invoqué avec succès en première instance l’article 1385 du Code civil. Toutefois la Cour d’appel casse le jugement en retenant à bon droit que cet article ne vise que la responsabilité du propriétaire d’un animal qui cause un dommage à un tiers, et non les dommages dont le cheval est victime. L’article 1385 vise la responsabilité du propriétaire d’un cheval et ne protège pas ce dernier, sauf quand son dommage a été causé par un autre cheval, ce qui n’était pas le cas. Sur quel fondement les propriétaires pouvaient-ils agir ? L’article 1382 du Code civil leur est ouvert, mais il oblige à prouver la faute du maréchal. Par ailleurs dans un arrêt du 6 octobre 2006 n°05-13.255 rendu en assemblée plénière, la Cour de cassation a consacré l’identité des fautes contractuelle et délictuelle. (Cf. Bull Civ. 2006, Ass. Plei. n°9 p. 23) Autrement dit, tout manquement à un contrat engendre la responsabilité délictuelle du cocontractant à l’égard de ceux qui ont subi un dommage. Les tiers à un contrat (en l’espèce les propriétaires du cheval) sont ainsi fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel (le maréchal) lorsque ce manquement leur a causé un dommage sans avoir d’autre preuve à rapporter, autrement dit sans avoir à démontrer une faute autre que le manquement au contrat. Mais comment doit s’analyser la faute du maréchal ferrant dans le cadre de ses prestations ? Le maréchal comme il le soutenait, n’est tenu qu’à une obligation de moyen simple, le cheval lui est confié pour une prestation technique le ferrage et sa responsabilité suppose que sa faute soit démontrée. C’est ce que soutenait le maréchal précisant que dans le cadre de sa responsabilité contractuelle, la preuve de sa faute est nécessaire. C’est l’argumentation que retient en définitive la Cour qui en déduit que les circonstances de la chute du cheval étant inconnue la preuve de la faute du maréchal n’est pas établie et la solution doit être pleinement approuvée, même si nous trouvons la motivation quelque peu sibylline. Nous avions en effet critiqué l’attendu du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de FOIX du 5 mars 2014 (Cf. Bulletin Juridequi n°74 précité) ayant retenu « Il n’est pas discuté que la convention suivant laquelle la SCEA a confié moyennement rémunération sa jument à M. X en vue de son ferrage doit s’analyser en un contrat de dépôt salarié »(Note de bas de page : même si en définitive le Tribunal avait débouté le propriétaire au motif que la preuve de l’absence de faute était rapportée grâce au rapport d’expertise rendu dans cette affaire.) Heureusement d’autres juridictions ont à l’inverse reconnu que le maréchal n’est tenu que d’une obligation de moyens (Cf. notamment Cour d’appel d’AMIENS le 08 juin 2004 ; CA DIJON Bull Juridiqui n°49, mars 2008)Pourquoi le maréchal ferrant devrait-il être soumis à la responsabilité sévère du dépositaire salarié, alors que dans le cadre de son intervention sur les pieds du cheval, ce dernier a un rôle actif qu’il ne peut maitriser, ainsi qu’en atteste d’ailleurs les accidents fréquent ? Aussi le manquement contractuel du maréchal suppose que l’on prouve sa faute. Les propriétaires étant dans l’incapacité de prouver celle-ci, le contrat ne leur apporte aucune aide pour rechercher la responsabilité du maréchal. Le Jugement ayant condamné le maréchal est donc infirmé, ce qui doit en l’état être approuvé. B. de Granvilliers
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