Art L 211-9 du code de la consommation : le chien n'est pas susceptible de remplacement
Décidément les animaux restent au centre des débats juridiques et cette décision de la Cour de cassation du 9 décembre 2015 (dont la publication confirme l'importance) a été abondamment commentée.
Les faits
Le 22 mars 2012 FABIENNE X éleveuse professionnelle vend à Madame Y un chien de compagnie de race bichon frisé au prix de 800€. 18 mois plus tard 2 vétérinaires diagnostiquent une cataracte congénitale (maladie héréditaire). Au jour de l'examen le chien est handicapé mais sa vision reste possible. 6 mois plus tard en avril 2014 un autre vétérinaire constate l'aggravation irréversible de la vision que seule l'intervention chirurgicale pourrait restaurer. Le même vétérinaire certifie qu’au 18 avril 2012, soit moins d’un mois après la vente, le chien présentait déjà une anomalie des cristallins. L’acheteur fait donc opérer son chien, au prix de 2400€ (1200€ par œil) et présente la facture des soins à son vendeur sur le fondement des articles L 211-1 et suivant du Code de la consommation.
Les Textes
La garantie de conformité est applicable aux ventes d’animaux domestiques depuis l’ordonnance du 17 février 2005 et elle oblige le vendeur professionnel à livrer un bien conforme aux attentes de l’acheteur et exempt de vices. L’avantage considérable par rapport aux vices rédhibitoires du Code rural vient de ce que cette garantie peut être invoquée par l’acheteur pendant un délai de 2 ans à compter de la livraison, alors que les vices rédhibitoires sont enfermés dans des délais très courts (entre 10 et 30 jours) à compter de la livraison de l’animal. Le vendeur lui objecte que l’article L 211-9 du Code de la consommation prévoit qu’en cas de défaut du bien vendu, l'acheteur peut choisir entre la réparation ou le remplacement du bien. Toutefois le même article autorise le vendeur à imposer l’une des solutions, si celle choisit par l’acheteur entraîne un coût manifestement disproportionné par rapport à l’autre modalité. Le coût de l'opération représentant 3 fois le prix de vente du chien, le vendeur proposait le remplacement du chien.
La décision
Le Tribunal d’instance, dont la motivation est confirmée par la Cour de cassation fait droit aux demandes de l’acheteur en retenant qu’un chien est un animal de compagnie, être vivant unique et comme tel irremplaçable, destiné à recevoir l’affection de son maître, il n’a aucune vocation économique et son remplacement est impossible au sens de l'article L 211-9 du Code de la consommation. L'article L 211-9 dispose effectivement dans une rédaction approximative et maladroite (traduite de la version anglaise) que le vendeur « est tenu de procéder sauf impossibilité selon la modalité non choisie par l'acheteur ».
L’animal de compagnie (sous-catégorie de l’animal domestique) est définit par l’article L 214-6 du Code rural comme « tout animal détenu ou destiné à être détenu par l’homme pour son agrément ». Cette définition est générique en ce sens que tout animal peut potentiellement être un animal de compagnie (et pas seulement les chiens et chats). La convention Européenne de Strasbourg du 13 novembre 1987 introduite en France par le décret n° 2004-416 du 11 mai 2004) ajoute à la définition « tout animal détenu ou destiné à être détenu par l'homme, notamment dans son foyer, pour son agrément et en tant que compagnon. »
L’accent est donc mis sur la proximité tant physique( présence dans le foyer) que relationnelle avec l’homme (compagnon) et vise notamment les petits animaux (hamster lapin etc..) avec lesquels des échanges sont possibles (quid du poisson rouge par exemple). Le Tribunal prend soin de les opposer aux animaux d’élevage comme la vache laitière pour qui le remplacement serait selon lui envisageable. Si d’autres animaux domestiques, tels que le cheval ont une vocation sportive ou de loisirs et ne sont donc pas a priori considérés comme des animaux de compagnie, le remplacement en revanche reste difficile à envisager, notamment car le vendeur ne peut garantir que le cheval remplacé plaira au propriétaire et encore moins garantir l’entente entre le cavalier et sa nouvelle monture.
Commentaire
La Cour de cassation a déjà eu plusieurs fois l’occasion de rappeler l’application systématique de la garantie de conformité dans les ventes d’animaux domestiques. Dans un arrêt de la 1ère Chambre civile du 2 juin 2012 (n° de pourvoi: 11-16385) la Cour suprême a sanctionné la décision du Juge de proximité qui avait jugé que la garantie de conformité avait été écartée par les parties alors qu’il s’agit d’une garantie d’ordre public à laquelle le vendeur ne peut échapper. Toutefois cet arrêtconstitue une preuve supplémentaire de ce que les textes du droit de la consommation conçus pour des machines à café, du matériel high tech et des lave-vaisselles sont totalement inadaptés pour les ventes d’animaux domestiques : ni la spécificité liée à la matière vivante, ni l’utilisation de l’animal ou le rapport entre lui et l’humain, ne sont prises en considération. La décision présente un intérêt supplémentaire en ce que outre la condamnation de l’éleveur au remboursement des 2400€ de frais vétérinaires liés à l’opération des deux yeux, l’éleveur est également condamné à verser 1.000€ de dommages et intérêts au propriétaire de l’animal qui « a dû s’occuper d’un chien privé de sa vue normale, qui n’a pas pu partager avec lui les joies ordinaires du maitre d’un animal de compagnie, ne serait-ce que les joies de la ballade avec son compagnon canin. » Si le propriétaire se voit souvent allouer un préjudice moral en cas de décès de son animal, il est plus rare que le Tribunal indemnise le propriétaire pour une simple restriction dans l’usage de l’animal, d’autant que l’aggravation de la vision n’a duré que 6 mois avant l’opération lui ayant rendu la vue.
Conclusion
La condamnation de l’éleveur au paiement de plus de 3500€ de dommages et intérêts peut paraitre sévère. Toutefois, la solution aurait pu être différente et favorable au vendeur sous l'empire de la version actuelle de la garantie de conformité : En effet la présomption d'antériorité du défaut apparue dans les 6 mois de la livraison a été supprimée (article L 211-7). C'est désormais à l'acheteur de prouver que le défaut dont l'animal est atteint existait au jour de la vente, tandis que le doute, profitera au vendeur. Il faut s’en réjouir car seul l’équilibre entre les droits respectifs des parties au contrat, permet de sécuriser les transactions
Maître Blanche de Granvilliers Février 2016Historique
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