Responsabilité civile du vétérinaire

Publié le : 16/11/2015 16 novembre nov. 11 2015

RESPONSABILITE CIVILE DU VETERINAIRE DANS LE CADRE DE LA CONCEPTION

Cette responsabilité s’apprécie différemment selon le rôle assigné au vétérinaire.

Notre étude distinguera l’obligation d’information du vétérinaire qui est de plus en plus souvent à l’origine de condamnation, et les manquements du Vétérinaire dans le cadre des soins proprement dits. La dernière partie sera consacrée au montant du préjudice.

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-I- LA RESPONSABILITE DU VETERINAIRE PEUT ETRE ENGAGEE :

A- POUR MANQUEMENT A SON OBLIGATION D’INFORMATION A L’EGARD DE SON CLIENT.

Le suivi gynécologique comprend :

- les examens préalables à une insémination où à une saillie,

- le diagnostic de gestation

- les suivis postérieurs à la gestation

-les suivis folléculaires

Le suivi gynécologique des juments est nécessaire, car il est pratiqué pour améliorer à la fois les chances de fécondation de la jument et aussi contrôler que sa gestation se déroule comme prévu.

Il est réalisé aujourd’hui notamment mais pas seulement par échographie.

La Cour d’appel de CAEN a admis dans un arrêt important du 28/11/1995 (Cf. CA CAEN 28/11/1995 Jurisdata n°1995-602097) que le recours à un examen échographique et pour vérifier l’état de viduité ou de gestations des juments est désormais une pratique courante.

Toutefois dans la même décision la Cour d’appel de CAEN rappelle que le suivi gynécologique malgré son utilité reste une intervention de confort, qu’il s’agisse d’un diagnostic de gestation ou d’un suivi folléculaire, ce qui a des conséquences sur la responsabilité du praticien.

Or l’examen manuel par voie rectale du tractus génital de la jument, complété par un examen échographique endorectal est, un acte à tort qualifié de banal.

Dès lors s’agissant tout au moins du diagnostic de gestation, la Cour d’appel de CAEN a précisé que l’état de viduité ou de gestation de la jument peut être vérifié au moyen de procédés inoffensifs comme l’analyse sanguine ou l’analyse d’urine.

Toute autre méthode et notamment l’examen manuel complété par un examen échographique endorectal obligera le praticien à informer le propriétaire.

B) MANQUEMENT DU VETERINAIRE DANS L’ACTE LUI-MEME

 Dans l’acte d’insémination, une erreur dans l’identité les paillettes peut être commise.

A ce titre, le Vétérinaire a la même obligation que le haras où est pratiqué l’insémination, il doit également vérifier l’identité de l’étalon.

Une action peut être intentée directement contre le vétérinaire par le propriétaire, mais aussi par le haras où l’insémination est pratiquée qui agi en garantie contre le vétérinaire.(Cf. CA DIJON 22 février 2002 : Cf. aussi CA de CAEN 18 novembre 2008 a également retenu la responsabilité du Vétérinaire, dans l’hypothèse d’une erreur de paillette, où le vétérinaire était éleveur et inséminateur).

Dans le suivi gynécologique, les risques sont de deux ordres :

  • une perforation rectale pouvant évoluer vers une péritonite mortelle,
  • un accident de contention chute ou retournement de la jument pouvant provoquer des lésions allant jusqu’au décès de la jument.

Le manque de précaution du Vétérinaire a plusieurs fois été retenu dans la première hypothèse , notamment lorsque l’examen est pratiqué sur une jument ayant un comportement anormal.

Faute retenue lorsque l’examen est pratiquée sur une jument nerveuse

Difficile d’échapper à l’étude de l’affaire tristement célèbre du Dr Vétérinaire LOULERGUE, (CA PARIS 27 mai 2005) :

A l’occasion d’un examen manuel du rectum de la jument, la paroi rectale de cette jument se déchire et la jument décède des suites de cette déchirure rectale.

La Cour d’appel relève que la jument avait déjà subi ce genre d’examen sans difficultés particulières et notamment par le Dr Vétérinaire en question, et qui était d’habitude calme. Or elle avait fait preuve ce jour là de « mauvais caractère » et en déduit que le Vétérinaire aurait du soit reporter ledit examen soit mettre en place toute mesure permettant d’apaiser la jument. En procédant à l’examen gynécologique de la jument sans tenir compte de son « mauvais caractère » le Vétérinaire a failli à l’obligation de prudence et de vigilance qui lui incombe. La Cour de cassation le 5 décembre 2006 a confirmé cet arrêt.

Le pourvoi fait contre cet arrêt a été rejeté comme non admissible, sauf concernant l’indemnisation du préjudice, où il a été étudié mais rejeté.

Une 2ème décision retient la faute du vétérinaire dans l’hypothèse où l’examen est pratiqué par un vétérinaire sur une jument nerveuse. (TGI ANGERS 14/11/2005)

Dans cette affaire, le vétérinaire avait examiné la jument à la demande de l’éleveur afin d’optimiser sa fertilité. Or au cours de cet examen transrectal préalable à la saillie, la jument a subi une lacération du rectum.

Le Tribunal retenait que l’animal placé dans les barres de contention a été décrit comme nerveux et stressé : la jument s’est couchée sur le bras du vétérinaire en cours d’examen, ce dernier n’a pu retirer correctement son bras. Le Tribunal en déduit que compte tenu de l’état de stress et de nervosité de la jument des risques de performations toujours possibles, il peut être retenu un manque de précautions à l’encontre du vétérinaire qui aurait du différer son acte jusqu’à ce que la jument soit plus docile.

L’acte est fautif quand l’échographie est inutile

CA RENNES 15/01/2003

Postérieurement à une saillie, le vétérinaire est appelé par le propriétaire pour vérifier que la jument est pleine. Celui-ci pratique une échographie au cours de laquelle, il y a une lacération du rectum qui entraîne un péritonite et le décès de la jument.

La Cour retient la responsabilité du vétérinaire dès lors que les saillies datant des 14, 16 ou 17 juin 1996, une échographie pratiquée moins de 14 jours après en l’occurrence, le 27 juin est inutile car selon l’Expert nommé le vésicule embryonnaire n’est pas détectable de façon fiable avant le 13 ou le 14ème jours après la fécondation..

La Cour rappelle que cet examen comporte des risques et qu’il appartenait au vétérinaire avant de procéder à cet acte médical à la demande du propriétaire, de vérifier la fécondation de la jument, le praticien devant s’abstenir de gestes inutiles surtout s’ils comportent des risques.

La Cour en déduit une responsabilité totale du vétérinaire qui doit indemniser la valeur de la jument et pas seulement une perte de chance de la garder en vie.

L’acte est fautif dans l’hypothèse d’une brutalité du vétérinaire lors de l’échographie + faute dans le traitement de la perforation CA RENNES 12/10/1994

Un arrêt assez ancien à propos d’une jument décédée d’une péritonite contractée à la suite d’une échographie. Or l’autopsie mis en évidence une déchirure du plancher rectal constituant une plaie béante de 15cm de long , ce qui démontre non un geste d’exploration banale, bien que comportant certains risques mais une manipulation d’une maladresse ou d’une brutalité extrème.

C- A L’OCCASION DE L’INTERPRETATION DU SUIVI GYNECOLOGIQUE

La responsabilité du vétérinaire est largement recherchée dans l’hypothèse des gestations gémellaires et l’on trouve quelques décisions sur ce point. 

Le vétérinaire est tenue d’une obligation de moyen renforcée concernant le diagnostic. Cela signifie que le vétérinaire est présumé fautif de ne pas avoir diagnostiquer la géméllité. (CA ROUEN 12/10/2005) 

Toutefois, cette erreur de diagnostic n’est pas fautive, lorsque le diagnostic est difficile, comme en témoigne cet arrêt de la Cour d’appel de POITIERS 1/06/2005

III- MONTANT DU PREJUDICE DEVANT ETRE REPARE PAR LE VETERINAIRE.

Le vétérinaire qui soigne un animal n’est tenu que de réparer la perte de chance de garder en vie l’animal qui a priori est un animal malade.

Néanmoins, ce raisonnement ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’une opération de convenance, telle que la castration, le suivi gynécologique où l’insémination.

Il convient de distinguer selon le manquement reproché au vétérinaire.

Indemnisation de la perte de chance en cas de manquement à l’obligation d’information.

S’agissant du manquement à l’obligation d’information, il est acquis que son non respect entraîne seulement une perte de chance d’avoir renoncé à pratiquer l’acte.

C’est une indemnisation partielle de la valeur de la jument qui doit être attribuée  ; le propriétaire a perdu une chance de ne pas pratiquer l’examen et de ne pas perdre sa jument, étant précisé qu’il ne peut y avoir aucune certitude quand au fait qu’il aurait renoncé à l’examen.

Quand au sort des poulains éventuels, le même raisonnement est applicable qu’en cas de faute dans l’acte lui-même. (Cf. ci-dessous).

En cas de faute dans le suivi gynécologique avec décès de la poulinière  : on admet cette fois, une réparation intégrale de la valeur de la poulinière. (Cf. CA de PARIS du 27 mai 2005 confirmé par C CASS 5/12/2006 : Cf. CA RENNES 15/01/2003, l’acte étant inutile c’est l’entier préjudice (la valeur de la jument qui est réparé)

La réparation ne vise t’elle que la poulinière où le propriétaire peut il également demander à être indemnisé pour la valeur des poulains à naître ?

Sur ce point les décisions des Cour d’appel sont fluctuantes

Sur ce point La Cour de cassation le 5/12/2006 ,a estimé que le propriétaire est en droit de solliciter :

  • une réparation au titre de la valeur de la jument,
  • une indemnisation pour perte de chance de gains futurs

On peut cependant estimer que si la jument qui est décédée n’avait jamais produit, il est possible de contester la perte de chance d’obtenir des produits dès lors que sa parfaite fécondité n’est pas démontrée par le propriétaire. (CA RENNES 15/01/2003)

Indemnisation du vétérinaire dans l’hypothèse d’une gestation gémellaire.

Dans l’hypothèse d’une gestation gémellaire a priori la poulinière ne décède pas et le seul préjudice est la perte du poulain né ou à naître, les jumeaux le plus souvent ne survivant pas ou trop chétif pour être commercialisé. Cf. CA ROUEN 12/10/2005) et les frais vétérinaires et d’étalonnier. (CA de NANCY du 9 juin 2011)

Hypothèse où il y a une erreur d’insémination

Il faut distinguer selon que l’erreur permet de connaître ou non le nom de l’étalon ou de la jument. Si le cheval est sans origine constaté le préjudice sera forcément plus élevé et constitué des frais exposés en pure perte et de la valeur du poulain perdu.

En revanche, si on peut identifier le poulain, le préjudice pourra être plus difficile à prouver, ainsi qu’en atteste cet arrêt du 2 septembre 2010 de la CA de CAEN qui considère que les deux étalons se valent et que le propriétaire n’a pas de préjudice.

L’inséminateur est donc responsable de la faute, mais il n’y a pas de préjudice dès lors que le poulain issu d’un étalon différent se vend tout aussi bien.

Il est évident que cette situation ne se retrouvera pas systématiquement et c’est le cas dans un autre arrêt où à l’inverse, la CA de CAEN le 18 novembre 2008 dans une décision fort motivée considère que le propriétaire subi un préjudice et le fixe de manière précise et circonstanciée.

Or le vétérinaire s’était trompé et avait inséminé la jument avec les paillettes d’un autre étalon.

L’arrêt est très intéressant sur le préjudice qu’il réduit nettement (pour le bonheur de la compagnie d’assurance) par rapport au jugement de première instance lequel avait purement et simplement avalisé le rapport de l’Expert qui fixait le préjudice à 145.000 € finalement réduit à 16.500€.

On saluera le comportement de la Cour d’appel de CAEN qui refuse d’avaliser sans contrôle le rapport des experts en ce qui concerne la fixation de la perte de chance, notion éminemment juridique et non technique qui ne doit relever que des conseils juridiques et des magistrats professionnels.

 Maître Blanche de GRANVILLIERS

Novembre 2015

Décisions citées

Arrêt CA NANCY du 3 novembre 1998

CA CAEN 28/11/1995 Jurisdata n°1995-602097

TGI d’ANGERS du 14 novembre 2005

Cour d’appel de CAEN 26/01/1989

CA de RENNES 19/11/1997

Cour de cassation 10/06/1992

Cour d’appel de PARIS 12 novembre 2004, 1ère Chambre section B

Cour d’Appel PARIS 27 mai 2005

TGI ANGERS 14/11/2005

CA RENNES 15/01/2003

CA RENNES 12/10/1994

Cour d’appel de POITIERS 1/06/2005

Cour d’appel de ROUEN le 12/10/2005

Cour de cassation le 5/12/2006

CA de CAEN 2 septembre 2010

CA de CAEN le 18 novembre 2008

CA NANCY 9 Juin 2011

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