Cautionnement : de la disproportion sur tous les fronts

Publié le : 12/08/2013 12 août août 08 2013

Depuis quelques années, le législateur puis les Tribunaux, ont décidé de sanctionner le créancier qui faisait souscire aux cautions, un engagement disproportionné par rapport à son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursements prévisibles.
Revue d’actualité, décembre 2004 Depuis quelques années, le législateur puis les Tribunaux, ont décidé de sanctionner le créancier qui faisait souscire aux cautions, un engagement disproportionné par rapport à son patrimoine, ses revenus et ses facultés de remboursements prévisibles. Le mouvement a commencé avec un premier texte, l’article L 313-10 du Code de la Consommation, qui oblige le créancier à renoncer au cautionnement qui lui a été accordé, si l’engagement est disproportionné par rapport aux capacités financières de la caution. Toutefois, ce texte ne protège que les consommateurs, c’est-à-dire les particuliers qui contractent en dehors de leur sphère d’activité professionnelle et à condition que l’engagement ne dépasse pas un certain montant. La sanction pour le créancier est l’impossibilité de poursuivre la caution en paiement, tant que la disproportion subsiste. En pratique cette solution aboutit à une disparition pure et simple du cautionnement, les juges n’ayant aucune marge d’appréciation pour maintenir partiellement la garantie. Le créancier pourra seulement poursuivre à nouveau poursuivre la caution, si dans les deux ans qui suivent le jugement, la caution s’enrichie et peut honorer son engagement. Les Tribunaux, avait étendu ce principe de proportionnalité, en dehors de la sphère d’application de cet article L 313-10 du Code de la consommation, en se basant cette fois sur les principes de la responsabilité civile (contractuelle 1134 C. Civ. ou délictuelle 1382 C. Civil). Le recours à ces textes de base, ont permis l’application de ce principe de disproportion à toutes les cautions, et pas seulement aux cautions-consommateurs. La Cour de Cassation, avait peu à peu, élaborée des règles réalisant un juste équilibre entre les intérêts respectifs de la caution et du créancier. Pour résumer la théorie élaborée par les Tribunaux, les magistrats considéraient que la caution dirigeante de droit ou de fait de l’entreprise, ne pouvait rechercher la responsabilité du créancier, pour disproportion du cautionnement, sauf circonstances exceptionnelles : La caution devait prouver que le créancier, (le plus souvent un établissement de crédit) avait sur la situation du débiteur principal des informations qu’elle ignorait. Cette preuve n’était que très rarement admise, car le plus souvent, la caution dirigeante est la mieux placée pour connaître son entreprise. En revanche, la caution profane, donc celle qui n’est pas intéressée à la gestion de l’entreprise et qui n’a de ce fait quasiment, aucun moyen de connaître la situation financière de celle-ci était protégée. La caution pouvait invoquer la disproportion du cautionnement, par rapport à ses revenus et à son patrimoine. Les parents du dirigeant de l’entreprise, ou son épouse, sont généralement considérés comme profanes, sauf bien sur s’ils ont des fonctions dans l’entreprise cautionnée. En outre, même si le cautionnement était considéré comme disproportionné par les juges, la sanction était seulement une réduction de la créance, à la mesure de la disproportion. Le créancier pouvait donc continuer à se prévaloir de la garantie, mais seulement à hauteur des sommes que la caution était en mesure de payer. Toutefois, cette belle construction des Tribunaux a été radicalement remise en cause par une nouvelle disposition du 1er août 2003, dite loi DUTREIL, qui fixe de nouvelles règles sur la disproportion du cautionnement (Article L 341-4 du Code de la consommation). Cette loi n’abroge pas l’article L 313-10 du Code de la consommation, mais il vise indifféremment toutes les cautions, du moment que le créancier qui bénéficie du cautionnement est un professionnel, ce qui sera quasi systématiquement le cas. Exit ainsi, la théorie de la Cour Suprème qui avait exclu de la protection, les cautions dirigeantes. En outre et surtout, la sanction prévue diffère. Dans le régime jurisprudentiel antérieur, la sanction était modulable et l’engagement finalement ajusté aux capacités contributives de la caution. Désormais, la sanction est la même que celle prévue par l’article L 313-10 C. Cons. : Le créancier est déchu du droit de se prévaloir du cautionnement. Le cautionnement est donc paralysé, jusqu’au jour où (hypothèse d’école ?) le patrimoine de la caution pourrait lui permettre de faire face à ses engagements. Il est clair que cette sanction du créancier, tout aussi disproportionnée que le cautionnement accordé, porte une grave atteinte aux droits des établissements de Crédits, qui sont les principaux concernés. Une consolation toutefois pour le créancier ! les premières décisions rendues à propos de la loi Dutreil, semblent réserver l’application de cette loi, aux cautionnements souscrits après l’entrée en vigueur de la loi, soit à compter du 1er août 2003. Tous les cautionnements souscrits antérieurement, continuent d’être régis par la jurisprudence antérieure, qui ne protégeait que les cautions profanes et avec seulement une réduction de l’engagement à mesure de la disproportion. En outre, il n’est pas complètement impossible, et ce malgré les termes généraux de la loi Dutreil que la Cour de Cassation considère que sa jurisprudence antérieure continue de s’appliquer. Dans ce cas, seraient exclus des dispositions de la loi Dutreil, les dirigeants de droit ou de fait de l’entreprise. Sachant qu’une grande réforme des sûretés est en cours, le groupe de travail à qui la chancellerie a confié la tâche d’élaborer un projet d’ici la fin de l’année, ne manquera pas de se pencher sur ce point crucial. Gageons qu’une proposition concrète sera faite, qui espérons le recueillera l’approbation de tous les acteurs du crédit. On ne doit pas en effet oublier que des sanctions trop sévères infligées aux créanciers, entraîne une grande frilosité des banquiers. Or ce mouvement de recul pénalise en définitive…le débiteur, qui souvent ne fait qu’un avec la caution et qui ne pourra plus obtenir de crédit pour réaliser ses projets.

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