La garantie de conformité, c'est aussi pour les chiens.
Publié le :
31/10/2016
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La garantie limitée du Code rural La garantie des vices rédhibitoires prévue par les articles L 213-1 et R 213-1 et suivants du Code rural) constitue depuis plus d’un siècle, la garantie de droit dans les ventes d'animaux domestiques. Nul n’ignore cependant la faiblesse de la garantie offerte par ces textes à l’acheteur, puisqu’elle ne vise que certains animaux domestiques, pour des défauts énumérés limitativement par l’article R213-1 et R 213-2 du Code rural et qu’elle oblige l’acheteur à agir dans les 10 jours ou les 30 jours qui suivent la livraison. (R 213-5). L’Exclusion de la garantie des vices cachés Si la garantie des vices cachés prévue par le Code civil (1641 et suivants) assure une protection efficace des droits de l’acheteur, le Code rural prévoit que la garantie de droit dans les ventes d’animaux domestiques est celle du Code rural, sauf à prouver la convention contraire : l’acheteur doit donc prouver que les parties ont entendu soumettre la vente à cette garantie du Code civil. Or s’agissant des chiens et de chats, la preuve implicite n’est que rarement admise par les juges en l’absence d’écrit prévoyant de manière expresse l’application de la garantie des vices cachés à la vente. Or si les ventes de chiens et de chats sont de plus en plus réglementées par le Code rural (Cf. notamment l’ordonnance n°2005-136 du 17 février 2005) l’attestation de vente émise par le vendeur qui fait l’objet de modifications par l’ordonnance précitée, ne prévoit toujours pas de soumettre la vente à la garantie des vices cachés du Code civil. Pour preuve, la Cour de cassation le 30 septembre 2010 (Cass. 1re civ., 30 sept. 2010, n° 09-16.890, Mme V. Charles : JurisData n° 2010-017153) a cassé un jugement ayant admis l’application de la garantie des vices cachés à la vente d’un chien de race doberman à qui l’on reprochait d’être trop agressif, après avoir rappelé que la vente était régie par les seules dispositions du Code rural. L’ordonnance du 17 février 2005 Depuis cette ordonnance, codifiée par la loi 2006-406 du 5 avril 2006, ayant transposé en France une directive Européenne, la garantie de conformité est applicable aux ventes d’animaux domestiques, et l’article L 213-1 du Code rural a été modifié en conséquence pour viser expressément les textes du Code de la consommation (article L 211-1 et suivants devenus L 217-1 et suivants). Or la récente réforme du commerce des animaux de compagnie issue de l’ordonnance du 8 octobre 2015, qui abaisse le seuil d’élevage à la première cession de chat ou de chien va considérablement étendre l’application de la garantie de conformité à tous ces éleveurs tenus désormais de se déclarer et de s’immatriculer et devenant vendeur professionnel. C’est l’occasion d’examiner rapidement ses conditions d’applications et son fonctionnement à travers les contentieux déjà jugés. Les conditions d’applications de la garantie de conformité. (Article L217-1 et suivants du Code de la consommation) La garantie est prévue chaque fois que le vendeur agira au titre de son activité professionnelle ou commerciale et que l’acheteur du chien ou du chat sera un consommateur, c’est-à-dire suivant la définition donnée par La loi n°2014-344 du 17 mars 2014, « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Le consommateur est donc une personne physique agissant pour ses besoins personnels : la vente d’un animal domestique est un acte de consommation Une garantie qui se cumule avec celle du Code rural. La garantie de conformité est dite d’ordre public, ce qui signifie que le vendeur ne peut déroger à son application et elle s’ajoute à la garantie du Code rural. Pourtant la Cour de cassation le 12 juin 2012, (Cf. Cass. 1re civ., 12 juin 2012, n° 11-19.104 Bull. 2012, I, n° 127, JurisData n° 2012-013189) a été contrainte de rappeler ce principe à un juge de proximité qui à propos de la vente d’un chihuahua a jugé qu’elle était régie par les seules dispositions des articles L. 213-1 et suivants du Code rural. Le Juge qui avait débouté l’acheteur qui n’avait pas agi dans les délais du Code rural (30 jours de la livraison), a vu sa décision cassée par la Cour de cassation qui a rappelé que le vendeur était tenu de la garantie de conformité. La Cour d’appel d’Angers le 10 septembre 2013 (CA Angers CH. A 10 septembre 2013 N° 12/00117) a également précisé que la garantie de conformité s’appliquait même à propos d’un vice qualifié de vice rédhibitoire, s’agissant d’un Cavalier King Charles atteint d’une dysplasie coxofémorale. L’acheteur peut donc se prévaloir de la garantie de conformité s’il n’est plus dans les délais stricts du Code rural. Garantie contre les défauts et l’obligation de délivrance La garantie de conformité recouvre les deux obligations du vendeur : la garantie des vices cachés et la délivrance conforme. Sont donc concernés les défauts dont l’animal est atteint quel que soit leur origine, comme les défauts vétérinaires, mais cela peut également viser les défauts liés au comportement tel que l’agressivité, dès lors qu’ils remettent en cause l’usage normal de la chose. Quant à l’obligation de délivrance, elle vise notamment outre la remise de l’animal prévu, ses accessoires tels que les documents d’identification et d’agrément. Sur le défaut de conformité. Pour obtenir gain de cause, l’acheteur est tenu de prouver : - la gravité du défaut (le défaut ne doit pas être mineur) - son caractère caché : Il ne peut se prévaloir d’un défaut qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer au jour de la vente. (Article L 217-8). - L’antériorité du défaut dont il se plaint Cette dernière condition est celle qui est la plus discutée par les vendeurs s’agissant d’une matière vivante sujette à évolution rapide et dépendante des conditions d’entretien de l’animal. Avant la modification du 15 octobre 2014, dès lors que le défaut apparaissait dans le délai de 6 mois, il était présumé exister au jour de la vente. De nombreux vendeurs ont donc été condamnés, sur la base de cette présomption d’antériorité, car le doute profitait à l’acheteur. Ainsi la Cour d’appel de Nîmes le 7 mai 2012 (CA Nîmes CH. CIVILE 7 mai 2012 N° 11/03164) à propos de la vente de 2 chiots de race Berger Allemand atteint de « Giardiose » dont l’un n’a pas survécu, s’est contenté de rappeler pour condamner le vendeur que « le défaut de conformité qui avait été découvert dans les six mois de l'acquisition était présumé exister au moment de la remise du chiot sans que l’acheteur soit contraint d'en rapporter la preuve. » Dans le même sens la Cour de cassation le 9 décembre 2015 (1ère Ch. Civ. 9/12/2015 N° de pourvoi: 14-25910 publiée au bulletin), s’était également basée sur le fait que « le défaut de conformité de l’animal était présumé exister au jour de sa délivrance », pour condamner le vendeur à rembourser à l’acheteur les frais de chirurgie et à lui verser des dommages et intérêts. Quid du remplacement et/ou réparation prévue par les textes ? En cas de défaut du bien, le vendeur propose le remplacement ou la réparation du bien. Mais si les deux sont impossibles, l’acheteur peut exiger le remboursement et même conserver le bien et ne rendre qu’une partie du prix. La difficulté provient de ce que « l'esprit de la Commission européenne lors de la préparation de cette directive n'était pas tourné vers la vente d'animaux domestiques. En témoigne les termes dépourvus de toute pertinence pour les animaux vivants : « emballage », « étiquetage », « instructions de montage », « usage attendu », « réparation » ou encore délai d'un mois pour mettre en œuvre cette réparation, incompatible avec l'urgence des soins vétérinaires. » (Cf. Droit rural n° 410, Février 2013, comm. 36 Cumul de garanties dans la vente d'animaux à un consommateur Bruno FERRARIS) Nous avons déjà commenté l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 décembre 2015 (Cf. commentaire Village de la justice en date du 29/02/2016, N° de pourvoi: 14-25910) qui a jugé que le vendeur ne pouvait proposer de remplacer (entendez échanger) le chien, et qu’il était tenu de le « réparer » et donc contraint de prendre à sa charge l’ensemble des frais vétérinaires nécessaires pour soigner l’animal, même si ces derniers sont bien supérieurs au prix de vente de l’animal. (L 217-9 du Code de la consommation) On constate que les procédures prévues dans cette garantie sont inadéquates avec les aspirations des acheteurs et les possibilités des vendeurs. Sur les délais pour agir. L’acheteur peut agir dans les deux ans de la livraison. (Article L 217-12). C’est donc le seul délai qu’il faut avoir à l’esprit désormais avec la suppression de la présomption d’antériorité pour les animaux. Exit donc le délai de 10 ou de 30 jours du Code rural. Les juridictions dans leurs décisions précisent que l’action de l’acheteur sur le fondement du Code rural est prescrite mais qu’il est dans les délais pour se prévaloir de la garantie de conformité. Sur les indemnités allouées aux acheteurs. L’article L 217-11 précise que l’acheteur peut solliciter le remboursement de toutes les dépenses exposées et en outre réclamer des dommages et intérêts. Disons-le clairement, la facture est salée pour les éleveurs. Rappelons que le vendeur professionnel est présumé de mauvaise foi de manière irréfragable, c’est-à-dire qu’il ne peut pas prouver sa bonne foi. Il est donc tenu de tous les dommages et intérêts à l’égard de l’acheteur si sa garantie est engagée. Le prix de vente L’acheteur obtient systématiquement de conserver l’animal auquel il s’est attaché, et très fréquemment le remboursement total du prix de vente du chien atteint d’un défaut qu’il conserve. Les décisions ayant juste ordonné une diminution du prix de vente sont minoritaires. On peut citer la Cour d’appel d’Angers le 6 avril 2010 (CA Angers CH. 01 A 6 avril 2010N°09/01022)qui a remboursé à l’acheteur ayant décidé de conserver le chien, la moitié seulement du prix de vente. Les frais vétérinaires. Ils représentent des montants très importants et il suffit pour s’en convaincre d’examiner les sommes figurant dans les décisions. Quand les prix de vente varient entre 600€ et 1500€, les frais vétérinaires oscillent entre 1000€ et 3500€, l’acheteur sollicitant également une indemnisation pour les frais vétérinaires futurs liés à la pathologie. C’était tout l’enjeu pour le vendeur de proposer le remplacement du chien et non sa réparation qui excédait largement le prix du chien, option clairement refusée par les hauts magistrats dans l’arrêt du 9 décembre 2015, le chien animal de compagnie n’étant pas « remplaçable ». Le préjudice moral et d’agrément. Il est acquis que le propriétaire du chien obtienne une indemnité en cas de décès de son chien. Mais l’indemnisation aujourd’hui ne s’arrête pas là ; les juges indemnisent les acheteurs dont le chien est infirme ou souffre de pathologie, considérant soit la souffrance du maître, soit le temps passé à soigner sa pathologie, ou encore sa gêne pour partager avec son animal les échanges sportifs ou affectifs auxquels il pouvait s’attendre. Frais divers. Enfin, l’acheteur obtient aussi le remboursement de frais tels que frais de déplacement ou de transport comme l’a jugé la Cour d’appel de ROUEN le 25 juin 2008 (CA Rouen CH. 01 CABINET 01 25 juin 2008 N° 07/01649)ou encore (pour l’acheteur d’un chat), le remboursement de frais d’entretien (alimentation litière), et du personnel s’étant occupé de l’animal durant sa maladie. (Cf. Cour d’appel d’Orléans 29 novembre 2010 précité N° 09/02405). Les chiens mais aussi les chats et tous les animaux domestiques Si les chiens alimentent la plupart du contentieux, la garantie est applicable dans les mêmes conditions aux autres animaux domestiques comme les chats et engendrent des décisions identiques, comme en témoigne le dernier arrêt cité celui de la Cour d’appel d’Orléans. Incidence pour les professionnels L’objet de cette chronique n’est pas de donner son avis sur l’opportunité ou non de cette garantie de conformité. Concrètement toutefois ces montants importants alloués en réparation à l’acheteur et qui sont à la charge des vendeurs peuvent à moyen terme être lourd de conséquence à la fois pour les éleveurs mais aussi pour d’autre professionnels comme les vétérinaires lesquels sont au cœur de ces conflits dans les ventes. Ces derniers ont un risque d’être mis en cause soit par le vendeur pour tenter d’échapper ou de limiter une condamnation, ou par l’acheteur qui face à un éleveur défaillant ou disparu, peut être tenté de rechercher une faute à l’encontre du praticien solvable et assuré.
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