Chute de cheval: indemnisation de la cavalière par l’assurance du propriétaire du cheval.
L’absence de transfert de la garde du cheval à la victime permet l’ indemnisation de celle-ci par l’assurance du propriétaire.
Le 19 mars 2014 la Cour d’appel de Rennes (RG N°12/08251) à l’occasion d’une chute sur un poney, ayant entraîné des blessures graves pour la victime, a permis à cette dernière d’être indemnisée de son préjudice par l’assurance responsabilité civile de son père propriétaire du poney en question. La Cour d’appel a retenu que la victime n’avait pas l’habitude de faire du cheval et qu’elle n’avait l’usage de ce poney qu’à titre ponctuel ne l’ayant monté qu’une fois auparavant. La Cour jugea que le propriétaire en avait donc conservé la garde, ce qui permettait de considérer qu’il était responsable du dommage sur le fondement de l’article 1385 du Code civil qui est une responsabilité de plein droit sans qu’il soit nécessaire de démontrer la faute du propriétaire-gardien, dès lors qu’est établi le lien de causalité entre l’animal et le dommage. Toutefois l’assureur du père, propriétaire du poney, refusait de garantir en invoquant deux arguments.
La compagnie opposait au préalable la théorie de l’acceptation des risques en indiquant que le risque de chute est un risque normal et prévisible que la victime avait accepté. La Cour lui répondit qu’en l’espèce le poney après s’être cabré et avoir désarçonné la jeune femme, avait perdu son équilibre et était retombé sur la victime, ce qui pour la Cour n’est pas un risque normal et prévisible. La compagnie reprochait encore à la victime son imprudence pour avoir monté un poney qui se trouvait dans un pré, en dehors de tout encadrement alors que son niveau d’équitation était faible. Sur ce point, la Cour releva que le poney venait d’un Centre Equestre où il était monté régulièrement, que la victime avait elle-même déjà monté le poney une fois auparavant dans ce pré et que sa nièce l’avait elle-même monté juste avant la chute. La faute de la victime n’a donc pas été retenue par la Cour. Le jugement qui avait retenu la garantie de l’assureur fut donc confirmé par la Cour d’appel de RENNES.
La décision qui a condamnée l’assurance mérite d’être approuvée et commentée. Si la Cour a considéré à juste titre que la garde ne pouvait être transférée, le débat sur la théorie de l’acceptation des risques aurait pas être évité(I) , tandis que la faute de la victime ne sera pas retenue par la Cour. (II)
-I- UN DEBAT INUTILE SUR L’ACCEPTATION DES RISQUES PAR LA VICTIME.
S’agissant de l’absence de transfert de la garde du poney à la victime, la décision de la Cour d’appel n’innove pas et se trouve parfaitement justifiée.
La garde du cheval ne peut être transférée au cavalier lorsque le niveau d’équitation de ce dernier est faible et qu’il n’en a donc pas l’usage la direction et le contrôle et ce malgré l’absence du propriétaire considéré comme gardien sur les lieux. Ce n’est que dans l’hypothèse où le cavalier dispose d’un niveau acceptable lui permettant une certaine maîtrise de l’animal qu’il sera considéré comme gardien de l’équidé.
En revanche on s’étonne que la Cour d’appel ait accepté dans cet arrêt d’aborder le débat sur la théorie de l’acceptation des risques, comme l’y invitait la Compagnie qui prétendait que la victime avait accepté le risque de chute finalement banal dans l’équitation, selon l’assureur, même si les conséquences étaient en l’espèce dramatiques comme c’est souvent le cas. Il nous semble que sur le fondement de l’article 1385 du Code civil, il n’y avait pas lieu en l’espèce de faire référence à l’acceptation des risques dont les conditions n’étaient manifestement pas réunies. Cette théorie permet au responsable d’échapper à sa responsabilité de plein droit sauf si la victime prouve qu’il y a un risque anormal résultant d’une faute caractérisée par une violation de la règle du jeu. Mais elle ne s’applique que lors d’une compétition ce qui n’était manifestement pas le cas. Aussi la Cour d’appel aurait-elle du tout simplement indiquer que l’on ne pouvait opposer cette théorie puisque la victime n’était pas dans le cadre de la compétition. Subsidiairement depuis l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 4 novembre 2010 (n°09-65-947) confirmé notamment par la 2ème Chambre civile le 12 avril 2012 (n° de pourvoi 10-20831 10-21094) il est acquis que la théorie de l’acceptation des risques ne s’applique plus lorsque la responsabilité du gardien est recherchée sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er (responsabilité du fait des choses) et qu’il doit donc indemniser la victime si la chose qu’il a sous sa garde a causé le dommage, que l’on se trouve ou non en compétition. Exit donc la théorie de l’acceptation des risques lorsque la responsabilité du gardien est recherchée sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil. Certes il n’est peut-être pas acquis contrairement à ce qui a été immédiatement écrit par tous les commentateurs que la théorie de l’acceptation des risques soit également écartée lorsqu’il s’agit de la responsabilité du gardien d’un animal recherchée sur le fondement de l’article 1385 du Code civil. (Cf. Jurisport 106 février 2011 p.35 obs. Mr F. MARCHADIER : « l’orientation inédite prise par la Cour de cassation, devrait naturellement affecter l’article 1385 du Code civil »). Ainsi le Tribunal de Grande Instance de PARIS a affirmé que la théorie de l’acceptation des risques trouvait encore à s’appliquer sur le fondement de l’article 1385 du Code civil, obligeant la victime à prouver la faute caractérisée par la violation du règle du jeu du responsable du dommage (TGI PARIS 25 avril 2013. RG N°12/02006) En toute hypothèse, la Cour d’appel aurait dû esquiver le débat et se contenter d’indiquer que les conditions de cette théorie n’était nullement réunies. Au lieu de cela et pour rejeter argument, la Cour a préféré retenir que la victime avait accepté le risque de chute mais pas le risque de voir le cheval perdre son équilibre et tomber sur elle. En l’espèce, l’argumentation de la Cour d’appel peine à convaincre les professionnels de l’équitation, lesquels pourront à l’inverse citer maints exemples de l’équidé qui s’écrase sur son cavalier, par exemple à la réception d’un saut d’obstacle où encore lors d’une courses hippiques où il n’est pas rare que la chute soit mortelle pour la victime, le cheval retombant de tout son poids sur la victime. La Cour d’appel aurait été mieux inspirée d’examiner directement le 2ème argument de l’assurance qui invoquait la faute de la victime pour échapper à sa garantie.
-II- SUR LA FAUTE DE LA VICTIME.
La responsabilité de plein droit du propriétaire-gardien du cheval, permet cependant à ce dernier de s’exonérer s’il prouve que la victime a commis une faute en l’espèce une faute d’imprudence en ayant monté le poney dans les conditions précitées. En l’espèce le propriétaire de l’animal étant le père de la victime, ce dernier avait tout intérêt à ce que sa compagnie d’assurance accepte d’indemniser sa fille. Toutefois cette dernière, peut être au regard des conséquences financières importantes de la chute, considérait que la jeune femme au regard de son niveau d’équitation avait été imprudente en voulant monter un poney qu’elle connaissait peu, dans un pré en dehors de tout encadrement. Les éléments qui ont permis à la Cour d’appel de retenir l’absence de faute de la victime sont-ils convaincants ? On peut en douter quelque peu, car même si comme l’a retenu la Cour, le poney venait d’un centre Equestre où il était monté habituellement, rien ne dit que la victime avait été assurée du caractère calme du poney, et si le poney n’avait pas bougé lors de deux essais antérieurs, cela ne pouvait pas être une garantie que la chance de l’innocent dont avait bénéficié les deux jeunes femmes lors des deux essais précédents, allait persister. Enfin, faut-il à nouveau le préciser la pratique de l’équitation est un sport à haut risques, parmi les plus dangereux de tous les sports. La jeune femme qui accompagnait ses enfants à l’équitation et les aider à préparer leurs poneys visiblement l’ignorait. Si l’équitation est un sport dangereux, les risques sont à leur point culminant lorsque l’équitation se pratique comme en l’espèce, dans un pré et non dans un manège où le cheval peut encore plus facilement embarquer sa cavalière, où les éléments extérieurs peuvent provoquer des réactions de peur de l’animal, où aucune personne diplômée n’est présente pour contrôler l’animal. L’équitation d’extérieur est celle qui comporte le plus de risques, et les accidents nombreux dans le tourisme équestre de loisir le confirment. Toutefois on ne peut qu’approuver la décision de la Cour d’appel qui a considéré que la victime n’était pas fautive. La faute de la victime, lorsqu’elle est inexpérimentée nécessite de démontrer une véritable négligence qui présuppose la connaissance des risques. La condamnation de l’assurance a permis à la victime dans ce drame, d’être indemnisée, alors qu’elle ne disposait même pas d’une assurance individuelle accident, faute d’être titulaire d’une licence fédérale pour la pratique de l’équitation.
Maître Blanche De GRANVILLIERS
Août 2014
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